Dans mon ouvrage « Les tribulations d’un inconscient incompris », j’aborde en profondeur l’idée selon laquelle la réalité individuelle, donc unique, subjective et propre à chaque personne, se construit sur la base des objets mentaux que le cerveau inconscient élabore de chaque élément observé dans l’environnement, que ces éléments soient des objets, des personnes, des idées, des concepts ou même des émotions. Cela revient à dire que l’on va systématiquement aborder cet environnement à partir de ces versions virtuelles des éléments engrammés, et non pas seulement à partir de la perception physique que l’on a.
De ce point de vue, on peut considérer que l’on perçoit une version simulée de notre environnement, entièrement faite de ces objets mentaux en constant évolution, ceux-ci se transformant à mesure que nos croyances et interprétations de nos expériences évoluent. Les simulations sont généralement conçues pour reproduire l’organisation causale abstraite d’un système original. Pour donner un exemple simple, il n’y a pas de différence dans la fonction entre une calculatrice physique et celle qui est simulée sur un téléphone portable. Une propriété telle qu’être ou ne pas être une calculatrice ne dépend que de cette organisation, que l’on retrouve également dans une simulation, donc c’est ce qui fait qu’une calculatrice simulée est bien une calculatrice.
« Suivant ce principe, une situation virtuelle qui peut reproduire à la fois l’organisation causale abstraite et les propriétés mentales d’une situation non virtuelle simplement par la construction d’un objet mental comportant toutes les propriétés nécessaires sera aussi réelle que la situation d’origine. » Dans un tel cas de figure, le rôle de la connaissance suggère qu’il s’agit d’un cas de pénétration cognitive, c’est-à-dire un cas où la cognition influence la perception. Cela suggère une dépendance directe de l’apparence perceptive aux croyances personnelles liées aux objets mentaux. Cela va jusqu’à impliquer que la proprioception dépend aussi de ce principe de fonctionnement. Cette même perception de notre corps physique se fait au travers d’une simulation de cette image que l’on a de nous-mêmes et des croyances qui sont rattachées à cette simulation. Même quelque chose d’aussi personnel et intime que la proprioception devient profondément subjective et soumise à l’objet mental que nous avons construit de notre propre corps. Nous existons, comme notre réalité, comme des constructions mentales, des constructions informationnelles. Nous avons tous une conception de soi-même sur la base d’une simulation mentale que l’on a créée.
Certains argueraient que l’on peut savoir qu’une table est physiquement et objectivement réelle dans sa forme, son apparence, sa taille, etc. puisque l’on peut la toucher avec les doigts. Mais finalement, la seule chose que font les doigts est de transmettre une information, la conscience détermine, sachant qu’elle sait ce que c’est que de toucher une table, qu’il s’agit bien d’une table, qu’elle est en bois brut par exemple. Mais si on demandait à la même personne, après avoir fait cette détermination de recommencer l’expérience en fermant les yeux et qu’on ne lui donnait à toucher qu’un morceau de planche du même bois. Elle aurait la croyance qu’elle touche toujours la même table et qu’elle est en train de faire l’expérience du contact avec une table. L’objet mental de la table serait alors suffisant pour la persuader que la table est toujours devant elle. L’esprit a simulé la table à partir d’informations incomplètes, mais suffisantes pour permettre l’accès à l’objet mental approprié. La réalité de la personne inclut une table qu’elle touche, et ce jusqu’à ce qu’elle ouvre les yeux.
Nos perceptions sensorielles ne constituent donc qu’une petite partie de la perception d’un objet, même aussi anodin qu’une table. Et même comme cela, cette perception reste subjective puisque influencée par ce principe de pénétration cognitive, la croyance que l’on a de ce que nos objets mentaux sont, influençant directement la manière dont nous percevons les choses. Evidemment, la principale conséquence à cela existe dans la relation que l’on construit à soi-même, puisqu’alors la perception de notre être, nos sensations, et nos émotions deviennent tout aussi subjectives, uniquement déterminées par des expériences passées et non une réalité présente. Finalement, nos perceptions physiques deviennent subjectives au point d’être dépendantes de mémoires d’expériences passées.
C’est en grande partie ce qui nous fait perdre le lien avec nous-mêmes et la conception que l’on a de soi, de son corps, de son être en général. Dès l’instant où l’expérience est déterminée par nos mémoires, nous ne sommes plus qu’en train de rejouer nos situations de vie sur la base d’anciennes conclusions, d’anciennes croyances, sans jamais essayer de regarder le monde tel qu’il est vraiment.