Un scepticisme de rigueur

Lorsque je travaille sur un nouvel ouvrage à partir d’une idée, certes parfois saugrenue, je le fais toujours avec un scepticisme presque pyrrhonien. Selon les principes du scepticisme pyrrhonien, « rien n’est vrai ni faux, ni vrai et faux à la fois, et pas même cette phrase car elle s’oppose à elle-même ». Cela amène le sceptique à considérer que la connaissance de quoi que ce soit d’extérieur à soi relève d’une conjecture incertaine, bref, on doute de tout ce qui vient à nous. Cela pourrait paraître être une approche quelque peu cynique, mais en réalité c’est quelque chose de très libérateur. Toujours selon les sceptiques, les philosophes peuvent être répartis en trois catégories :

  • Les dogmatiques qui sont ceux qui prétendent avoir trouvé la vérité,
  • Les académiques qui prétendent dogmatiquement que la vérité est incompréhensible (et qui de fait s’incluent d’eux-mêmes dans la catégorie précédente),
  • Les sceptiques qui cherchent toujours (et qui sont donc adogmatiques).
le scepticisme de Pyrrhon
Pyrrhon d’Elis

C’est plutôt dans cette vision que j’inscris mon idée du scepticisme, je ne suis pas sceptique dans le sens où je vais rejeter ce qui ne me plait pas ou va à l’encontre des mes croyances, mais je n’accepte pas le dogme qui m’impose de penser quelque chose sous prétexte que c’est ce à quoi se rallie la majorité. Je vais donc toujours chercher à savoir s’il s’agit de la seule possibilité cohérente. C’est aussi ce qui fait que j’aurais toujours tendance à essayer d’écouter ce que l’on ne me dit pas et à voir ce que l’on essaye de me cacher. Le scepticisme, c’est déjà d’accepter son ignorance en s’éloignant du dogmatisme, et c’est ce qui mène parfois à émettre des hypothèses sceptiques, c’est-à-dire des hypothèses qui vont remettre en question les croyances ordinaires d’une personne, croyances nées d’une acceptation inconditionnelle au dogme. L’hypothèse sceptique comme le décrit bien Putnam induit une possibilité d’erreur qui est incompatible avec la connaissance que nous croyons avoir, mais dont il nous est également impossible de mesurer le caractère normal ou non, et c’est ce qui a notamment permis de mener à l’argument d’ignorance

  • 1. Je ne sais pas que non-X ;
  • 2. Si je ne sais pas que non-X, alors je ne sais pas que Y ;
  • 3. Donc, je ne sais pas que Y (essayez, cela s’applique très facilement à beaucoup de choses que l’on entend au journal télévisé).

Si je ne sais pas quelque chose, alors je ne sais pas quelle serait l’hypothèse à privilégier pour l’expliquer, et je dois nécessairement ouvrir la porte aux possibles. Attention, il faut que ces hypothèses restent logiques et cohérentes pour être acceptables et que l’on puisse faire jouer le principe d’indifférence selon lequel si plusieurs explications plausibles existent pour expliquer quelque chose sans que l’on ne puisse déterminer qu’une est la bonne, alors toutes auront la même probabilité d’être la bonne. Lorsque le dogmatisme tente de stigmatiser l’une ou l’autre de ces hypothèses, les taxant par exemple de complotistes, ce principe n’est plus respecté et l’on tombe alors dans quelque chose qui s’apparente plutôt à un blasphème, c’est-à-dire une idée qui va à l’encontre de la version officiellement acceptée.

Alors le scepticisme et la pensée libre s’effacent pour laisser la place aux croyances et à la rigidification des structures mentales. Donc mes idées sont parfois saugrenues en cela qu’elles s’inscrivent en dehors de courants parfois tellement acceptés qu’ils sont devenu naturels. Cela ne mène pas forcément à des hypothèses sceptiques (parfois si quand même), mais je l’espère à de nouveaux points de vue et perspectives qui peuvent permettre d’accueillir de nouvelles idées et d’élargir notre fenêtre sur le monde.

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