Je me suis déjà étendu sur les plaisirs culinaires que l’on peut espérer découvrir dans les Highlands de la Papouasie. Il y a ceux que l’on est obligé de tolérer si l’on ne veut pas mourir de faim, ceux dont la seule mention fait sauter de joie, mais je n’avais pas abordé ceux dont on se méfie…

Chez les Huli, comme dans beaucoup d’autres groupes ethniques de Papouasie, le cochon est un symbole plus qu’un animal que l’on élève. Son importance va bien au-delà des protéines qu’il peut apporter dans une régime alimentaire ; l’économie et la vie sociale de clans tourne autour de cette richesse à quatre pattes. Les cochons que l’on possèdent sont l’indicateur de son importance sociale… et le seul moyen de pouvoir se marier. En conséquence, on ne mange pas souvent de cochon dans les clans Huli, ce serait comme essayer de vivre en mangeant l’argent que l’on garde à la banque, ce serait ridicule !

Donc, les rares fois (durant de grandes occasions) où l’on sait que l’on va manger du cochon, tout le monde est très excité et attend sa part avec impatience… sauf les anthropologues. Je sais qu’en tant qu’anthropologue, je devais me soumettre poliment afin de ne vexer personne. Le problème n’est pas que je n’aimais pas le cochon (j’adore), mais plutôt l’inquiétude pour ma santé face à la cuisson du cochon  : le Mumu.

Cochon prêt pour le Mumu

Le Mumu est la manière, très ritualisée, de cuire les cochons. Tout d’abord, ceux-ci sont tués d’un coup de bûche sur le crâne. Ils sont ensuite jetés dans les flammes afin de griller tous les poils, quelques minutes durant lesquelles le sang sous la peau est coagulé/cuit. Ensuite seulement les cochons sont vidés de leurs organes. Cela, d’un point de vue occidental, n’est déjà pas très sain, mais le cuisson en Mumu n’arrange pas le problème. Le Mumu est un four en terre (non, pas « de » terre). Un large trou est creusé, des pierres chauffées dans un feu sont jetées au fond puis couvertes de feuilles de bananier et de fougères. La viande, après un découpage précis et méticuleux est ensuite déposée sur ce tapis végétal, couverte par une nouvelle couche de feuilles et fougères, pierres chaudes, le tout finalement recouvert de terre… durant environ 1h30. La viande est à moitié cuite.

Les feuilles sont déposées sur la viande

Donc que fait l’anthropologue (qui n’a pas envie de voir les jours suivant une fête passer plié en deux en se tenant le ventre) lorsqu’on lui tend un large morceaux juteux de viande avec un grand sourire ? Et bien, il l’emballe dans une feuille de bananier, donne une excuse et ramène le tout chez lui pour recuire la viande en plus petits morceaux directement à la flamme… et jamais on ne demande au cuisinier de servir la viande légèrement rosée, le consensus dans ce cas, c’est « carbonisée ». C’est vrai que l’on pourrait tout simplement faire l’impasse sur la viande, mais les protéines fraîches sont trop rares pour être ignorées, et quand on a faim, on ne fait pas la fine bouche.

Vous pouvez retrouver l’univers des Huli dans mon roman policier « La tourmente du Serpent », un polar dont l’aventure entraine le lecteur dans les jungles de la Papouasie Nouvelle Guinée.

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