Le miroir d’Alice, plonger dans l’Imaginal

Dans l’expérience chamanique, que cela soit durant un voyage au cœur des enthéogènes ou lors d’une profonde méditation, il existe un moment durant lequel on se retrouve sur un seuil. C’est un espace de transition entre deux mondes, celui de notre réalité consciente et celui de l’Imaginal ( la notion d’imaginal est au cœur de mon livre « Visions chamaniques« ). C’est ce moment, cet espace dans lequel Alice se trouvait lorsqu’elle a regardé au travers du miroir d’Alice, pour jeter un œil à ce qui se trouvait derrière la réalité visible et sensible.

le miroir d'Alice

D’une certaine manière, ce seuil est un passage aussi important que le reste dans l’expérience en elle-même. Quelle que soit l’intensité de cette transition, ou même sa durée, c’est une étape nécessaire qui permet de passer d’un état à un autre, de s’éloigner du sensible et de l’intelligible pour rencontrer l’espace dans lequel les deux se fondent. Dans cet espace de transition, on n’a pas encore quitté le monde sensible, mais on est déjà conscient de l’émergence de l’imaginal. C’est un moment crucial, car il a tendance à donner le ton de l’expérience à venir, au moins d’une partie de l’expérience.

Comme cette Alice représentée par Yoaz (le miroir d’Alice) dans son œuvre, face à cette porte, on ne voit pas et on ne sait pas ce qui se trouve dans cet espace dans lequel on s’apprête à pénétrer, mais on est capable d’en percevoir l’essence. Notre intelligence sensible ne connait pas cet espace, mais notre intelligence agente, notre imagination agente (vous pourrez retrouver ces notions largement détaillées dans mon ouvrage « Visions chamaniques« ) sillonne naturellement l’imaginal et sait le reconnaitre. Lorsque je dis qu’il s’agit d’un moment crucial, c’est justement parce que notre intelligence conscience va se faire une idée de quelque chose qu’elle ne connait pas à partir des perceptions d’un organe des sens qu’elle n’est pas habituée à recevoir. Bref, elle va essayer d’analyser quelque chose d’inconnu à partir de percepts incompréhensibles, et cela entrainera des réactions très différentes selon les personnes et les contextes. Ces réactions iront d’une curiosité et d’un émerveillement jusqu’à une peur insidieuse et profonde pour sa propre survie, et contrairement à ce que l’on peut penser, c’est quelque chose qu’il est très difficile de relativiser, car c’est justement perçu comme une réalité parfaitement sensible.

L’œuvre de Yoaz, Alice devant le miroir avant de pénétrer dans l’Imaginal (le miroir d’Alice)

Pénétrer dans cet espace de transition, passer ce seuil est donc un moment délicat, dont la qualité sera directement liée au lien que l’on entretient avec soi-même, avec son propre inconscient. Les vieux rêveurs reconnaitront des contrées déjà aperçues au détour d’un songe, et elles seront toujours familières car ils savent qu’elles ont toujours existé en eux. Mais les personnes qui vivent dans un égo qui se nourrit d’illusions visant à les éloigner d’un Soi qui leur fait peur, ne verront que les ombres de leurs propres démons se profiler derrière ce miroir, et choisiront la peur et le rejet, à l’image du rejet qu’elles entretiennent d’elles-mêmes.

La vision de l’inconscient freudien dans l’œuvre de Yoaz, ces espace du Soi qui renferme toutes nos terreurs cachées.

Ce miroir n’est qu’une frontière entre deux espaces (cf article « Le miroir d’Alice« ) qui ne sont séparés que par notre capacité de perception. Ils existent en parfaite superposition, mais l’un ne devient perceptible que lorsque notre esprit laisse notre intelligence agente émerger au-dessus de notre conscience sensible. Nous ne vivons dans une réalité sensible que par limitation et/ou peur de notre propre essence. Beaucoup de cultures apprennent dès la naissance que ces deux mondes existent de manière indissociable et acceptent cela comme une réalité. Cela revient à dire alors qu’un changement dans cette réalité imaginal sera perçu de la même manière qu’un changement de température dans la réalité sensible, tout aussi naturellement et avec la même conviction que s’il s’agissait de n’importe quel autre sens.

Accepter notre Soi, accepter que notre égo chemine pour le rejoindre, c’est aussi accepter l’existence d’une réalité qui dépasse celle que nos sens sensibles peuvent percevoir. C’est un apprentissage qui passe principalement par une vraie connaissance de soi-même, de se familiariser avec tous les aspects de notre propre esprit, ses facettes, ses ombres et ses forces. Le plus grand piège sera alors de réussir à ne pas confondre les informations et les percepts qui viennent vraiment de notre intelligence agente, et ce qui est créé par notre intelligence sensible et que l’on attribue comme venant de l’imaginal. C’est la différence qu’il y aura entre quelqu’un de connecté à lui-même et quelqu’un de perché.

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une autre version du miroir d'Alice

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