Le serpent a toujours été une figure importante dans l’histoire de l’humanité, d’Adam et Eve, en passant par les méso-américains, les cultures et civilisations d’Asie et d’ailleurs,… il est une figure emblématique et souvent révérée. Etrangement, et malgré la peur qu’il inspire à une majorité des gens jusque même dans l’inconscient collectif, cette image du serpent est généralement très positive. Le serpent est celui qui apporte la connaissance, le savoir, la sagesse.
C’est vrai que dans nos contrées, le serpent présenté comme un agent du mal, un envoyé du Diable venu tenter Eve vers le pécher. C’est presque paradoxal de constater que c’est en France où l’on a peut-être une des plus faible population de serpents dangereux qu’ils ont cette terrible image. Mais en réalité, il faut regarder au-delà de la simple vision manichéenne généralement présentée lorsque l’on regarde le rôle du serpent dans cette histoire. Nous avons donc un homme et une femme, seuls sur la planète, et sans conscience de leur propre individualité, de leur propre identification et sans capacité de s’identifier à l’autre. Ce qui veut aussi dire qu’il n’y a pas d’identification sexuelle. Cette idée de transcendance de l’identification est intéressante, mais il semble regrettable qu’elle puisse exister au travers d’une forme d’ignorance, et surtout qu’elle implique une impossibilité de perpétuer la vie sur Terre. Ce que le serpent a fait alors (et ce qu’il fait d’ailleurs dans la plupart des mythologies), c’est d’introduire la vie en donnant accès à la connaissance.
D’une manière générale, même penser que le Diable est mauvais serait une erreur. Si l’on accepte la prémisse selon laquelle Dieu est le créateur de tout, il a forcément permis la création du Diable et celui-ci a forcément un rôle important à jouer dans le processus de création. Et si Dieu voulait vraiment qu’Adam et Eve ne mangent pas de ce fruit, il est peu probable qu’un serpent aurait pu aller contre cette volonté. C’est juste que certaines personnes seraient tentées de garder une certaine rancœur à l’idée que cette connaissance que l’on obtenue soit venue avec son lot de souffrances. La vision manichéenne du bien contre le mal est trop étroite, trop restrictive, et certainement représentative d’un esprit qui existe dans la survie et la réaction.
Ce qu’Adam et Eve ont gagné avec cette connaissance, c’est un accès à la vie, ce qui laisserait plutôt penser que le serpent serait un agent de Dieu et non du Diable. La connaissance est ce qui permet à un individu de véritablement vivre et exister, l’ignorance étant le refuge de la survie, un espace où l’on ne ressent pas les mouvements imposés par la vie et ses dangers.
Dans le chamanisme amazonien lié à l’Ayahuasca, le Boa a une place très importante en tant que mère de l’Ayahuasca. C’est la source de la connaissance et de la sagesse, et il n’est donc pas rare d’être visité par des visions de cet énorme reptile, et sans que cela ne suscite de peur ou de rejet. Fondamentalement, la peur du serpent est engrammée dans notre cerveau pour permettre une réaction instinctive, une réaction de la survie. La sagesse, la connaissance, et surtout la connaissance de soi, peuvent être atteintes lorsque l’on dépasse les peurs de sa propre biologie, que l’on quitte le refuge de l’ignorance et de la survie pour risquer de vivre. C’est cela que représente le serpent.
Dans mon premier roman « La tourmente du Serpent« , on retrouve cette idée en filigrane. C’est une quête de connaissance qui se heurte à des peurs des incompréhensions et à des dangers qui n’existent que du fait de l’ignorance qui perdure. C’est tout le paradoxe de l’individu qui se réfugie dans l’ignorance et la survie par peur d’affronter la vie, et qui souffre de cette condition. Son véritable problème, comme celui de tant d’autres personnes, n’est pas la condition elle-même, mais le fait d’être capable de justement savoir qu’elle est causée par notre ignorance et nos peurs, et que nous en sommes donc responsables pleinement.