Le paradoxe de la dualité essence/existence d’un individu

L’histoire de l’humanité commence beaucoup plus tôt qu’on le croit souvent. Tout a débuté il y a des centaines de millions d’années lorsqu’un premier organisme vivant a été capable de réagir à une modification survenue dans son environnement. De cet instant, la vie a expérimenté de nouvelles possibilités, développé des structures toujours plus complexes, abandonné certaines autres, elle a testé ces possibilités et ces structures face à un environnement en changement constant pour en tirer l’essence de leurs fonctionnements : ce sont tous les programmes qu’elle a engrammé dans les cellules, puis les cerveaux des êtres vivants. Ces programmes ont une fonction unique, celle de donner le plus de chance à la vie de continuer à se propager, réagir de la manière la plus appropriée possible pour survivre le plus longtemps possible.

Cet héritage, chaque être humain l’a en lui, c’est l’essence de son être biologique et à l’instar de tous les êtres vivants avant lui sur l’échelle de l’évolution, il dépend de cet héritage pour vivre et survivre dans son environnement, pour exister. Aujourd’hui, l’être humain est bien loin de son animalité d’origine, le développement de son cerveau lui a permis de s’affranchir des conditions de son environnement pour faire évoluer son existence, mais sans pour autant parvenir à s’affranchir de cet héritage. Par arrogance ou par honte de cet animal qu’il porte en lui, l’être humain continue son évolution sans tenir compte de cette essence qui pourtant continue trop souvent de déterminer son existence.

L’Homme veut se tourner vers son potentiel, exploiter toutes les connaissances que son cerveau lui a permis d’acquérir, rejetant ce qu’il a hérité pour ne se concentrer que sur qu’il a acquis ; un acquis qu’il voit comme la clef lui permettant de transcender ses pires penchants. Cette dualité entre ce qui est hérité et ce qui est acquis, et surtout la manière dont cette dualité s’exprime est au cœur de la plupart des problématiques individuelles ou même communes. Comment est-il possible que le savoir humain, son intellect, sa capacité de raison, puissent fonctionner sur la base de cette essence, de ces programmes hérités d’animaux que l’on juge hâtivement d’inférieurs ? Cette problématique ne nait pas tant du fait de cette dualité, mais parce que nous avons tendance à essayer d’en nier une partie, de ne pas accepter cette part d’animalité qui est en nous et qui semble nous soumettre à un arbitraire dicté par l’évolution.

L’individu est d’abord un Homo sapiens, un organisme biologique, avant d’être un individu en tant qu’être humain, c’est-à-dire possédant une conscience de sa propre individualité et une identité propre. Tous les individus sont différents, en fonction de leur origine ethnique ou géographique, de leurs expériences, etc., et de ce fait, cette différence ne peut être comprise qu’en fonction du concept d’être humain, d’être psychique. Toujours dans un souci de respecter la réalité de cette dualité, il est essentiel de comprendre l’individu, non seulement de ce point de vue du concept d’être humain, mais aussi du point de vue de l’Homo sapiens et de son animalité naturelle. Si les différences entre les individus ne peuvent s’appréhender qu’en fonction du concept d’être humain, leurs similarités n’ont de réalité que si on les aborde du point de vue de la réalité biologique de l’Homo sapiens. L’individu social existe en fonction de ce qu’il est et de ce qu’il peut ou voudrait devenir.

Il est donc impossible de pouvoir entièrement comprendre l’individu social simplement par l’observation et l’analyse de ce qui fait son existence, qu’elle soit sociale ou individuelle ; il devient nécessaire de tenir compte aussi de son essence, de ce qui fait que l’Homme est Homme avant d’être un individu dissemblable d’un autre individu. L’essence et l’existence sont des éléments complémentaires, faisant partie d’un unique système biologique. On pourrait dire que l’existence se construit en fonction de l’essence seule, mais cela serait une erreur, car l’essence peut elle-même être affectée par l’existence.

L’essence et l’existence sont des concepts qui ne peuvent se comprendre simultanément , mais les deux contribuent à construire l’individu social. Cette contradiction est certainement l’un des aspects les plus essentiels lorsque l’on s’intéresse au comportement humain. En effet, l’individu social se définit à la fois en fonction de ce qu’il a hérité et de ce qu’il acquiert, mais aussi en fonction des incompatibilités entre son héritage et son acquis, de l’importance de ces incompatibilités et des éléments de comportement qu’elles affecteront. De ce fait, l’individu social et son individualité seront forgés entre l’enclume du biologique et le marteau du social. Cela donnerait donc l’impression que l’individu social se forge dans la contrainte, et c’est une réalité que l’on a parfois du mal à accepter, préférant trop souvent nier l’existence même de cette part d’essence, celle qui réagit sans être capable d’agir de manière construite, mais celle aussi qui nous maintient en vie et qui conditionne nos comportements. Cette volonté de nier ou rejeter cette part de nous-même tient au fait que cela demanderait en quelque sorte d’accepter qu’il y ait une éminence grise que notre conscience ne perçoit pas et qui contrôle tous les aspects de notre vie que l’on pensait conscients, construits et réfléchis.

 « Nihil est in intellectu quod non prius fuerit in sensu »

Toute connaissance vient de la sensation (Aristote)

Texte extrait et adapté du livre « Enter essence et existence », S. Cazaudehore

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