Identité et identification

Notre capacité à nous identifier vient de la manière dont nous avons confronté notre Soi au monde extérieur, et comment nous avons peu à peu construit notre égo. Notre égo n’est pas notre identité. Il devrait être notre identité, mais c’est rarement le cas, le but de nos vies étant justement de permettre à notre égo de se fondre dans notre Soi pour ne faire plus qu’un (cf « L’apologie de la mort« ). Mais en attendant l’illumination, la distance qui existe entre notre égo et notre Soi détermine l’éloignement que nous maintenons avec notre propre identité. Chez les indiens, dans la tradition Yogi, l’esprit se divise en quatre dimensions :

  • « Ahankara », qui est la dimension de l’esprit qui nous permet de ressentir notre identité.
  • « Buddhi », qui est l’intellect, la dimension de la survie de l’esprit. C’est celui qui nous permet de discerner les éléments de notre environnement, de les séparer les uns des autres afin de les contextualiser et de les catégoriser.
  • « Manas », qui est la dimension cumulative de l’esprit, notre mémoire. C’est ce qui nous permet de rassembler les informations, dont beaucoup (et trop souvent parfois) vont servir de base de travail à l’intellect, permettant justement de baser ce travail de catégorisation et de contextualisation sur des éléments autant passés que présents (donc nécessairement biaisés).
  • « Chitta » qui est la dimension de la conscience sensible que l’on a des choses, c’est ce qui ne peut exister qu’en lien direct avec l’expérience elle-même, sans projection. Cela va bien au-delà de la simple conscience que l’on a des choses que l’on perçoit, il s’agit de notre conscience d’être, cette conscience qui nous permet de voir et sentir au-delà des percepts pour atteindre la sapience.

Nous construisons notre identité en permanence, en aucun cas il ne s’agit de quelque chose de fixe, notamment du fait que notre égo soit en constante mutation, suivant les enseignements tirés des expériences. Nous sommes donc en permanence dans un phénomène de projection et d’introjection. Nous projetons notre propre interprétation de ce que l’on pense que l’on perçoit et comprend de l’identité des autres, ainsi que ce que l’on pense que les autres perçoivent et comprennent de notre propre identité, et nous introjectons certains aspects de ce que nous percevons dans les identités des autres. Tout ceci se faisant évidemment en fonction de nos réalités individuelles. Notre but, le but de notre égo, est ici de nous permettre de nous intégrer, donc d’intégrer notre identité, dans un contexte social pour qu’elle y soit acceptée par les autres.

Le problème, c’est que trop souvent, nous faisons ce travail conjointement avec l’intellect et la mémoire, plutôt qu’avec la conscience et le ressenti de notre propre identité. C’est la différence qu’il existe entre exprimer notre identité au travers d’éléments que l’on a introjecté et que l’on sent qui nous ressemblent, et exprimer une identité que l’on veut montrer aux autres en introjectant des éléments qui ressemblent à ce que l’on pense qu’ils voudraient voir. Tout est dans l’intention lorsque l’on fait quelque chose, et celle-ci peut-être centripète ou centrifuge. Ce que l’on utilise pour exprimer une identité n’est jamais quelque chose d’anodin, puisque cela s’accompagnera toujours d’une certaine énergie, d’une identité et d’un message propre que l’on envoi au monde. Si vous vous identifiez avec quelque chose que vous n’êtes pas ou qui ne vous ressemble pas, vous mettrez votre intellect en mouvement. Si vous mettez un pantalon qui vous ressemble, un simple bout de tissu, mais dans lequel vous ressentez votre identité, c’est cette identité que les autres percevront. Mais si vous portez ce pantalon parce que vous pensez que cela vous permettra d’avoir l’air plus cool et que cela vous permettra de masquer votre inconfort en société et votre manque de confiance en vous-même, alors les autres ne percevront que cet inconfort et ce manque de confiance en soi, c’est un masque que vous portez.

Le plus important lorsque l’on exprime sa personnalité au monde qui nous entoure est de le faire avec un message clair et vrai. Si ce que l’on exprime est une lutte contre quelque chose ou une fuite de quelque chose (pire encore s’il s’agit d’une lutte contre soi-même ou une fuite de soi), les autres recevront un message erroné, ne percevant que le masque. L’idée de notre égo est surtout de refléter notre Soi de la manière la plus fidèle possible pour que l’on puisse être reconnu pour qui nous sommes réellement, et attirer à nous les personnes qui nous ressemblent vraiment. Lorsque nous utilisons l’intellect et la mémoire pour nous identifier, vos pensées et vos émotions seront biaisées par ces identifications, que cela soit des éléments sociaux, de genre, des particularités physiques, raciales, communautaires ou autres, peu importe, vous construirez votre identité sur la base d’une discrimination, par élimination et pas par addition. L’identité que vous présenterez au monde ne vous ressemblera pas, et votre égo s’éloignera un peu plus de votre Soi, limité par ces discriminations faites non pas par les autres, mais par vous-même en vous basant sur ce que vous pensez que les autres attendent de vous.

identité et identification

L’intellect n’est pas ce qui est le problème, c’est l’utilisation limitée que nous faisons de l’intellect, de notre manière de penser, qui est le problème. Nous divisons, catégorisons, contextualisons, discriminons tout ce que l’on perçoit en fonction de ce que notre mémoire nous dit que l’on doit penser de ces choses. On ne prend que trop rarement le temps de refaire l’expérience de quelque chose que l’on a déjà croisé, les résultats de cette rencontre ont déjà été mémorisés et acceptés avant d’être rangés dans une croyance quelque part dans une coin de notre esprit. Nous revenons alors à ces anciennes conclusions, sans prendre le temps de les remettre en question à la lumière de ce qui pourrait être une nouvelle expérience. Ces croyances et ces conclusions seront nécessairement empreintes d’un certain préjudice et sont ce qui au final va éloigner quelqu’un de son bien-être et de son bonheur. Si toutes vos croyances, tous vos choix et toutes vos expériences étaient vécues au travers du filtre de votre conscience sensible, celle qui vous permet de ressentir les expériences au-delà de la discrimination intellectuelle, alors vous construiriez votre identité d’une manière fluide et aisée, toujours en accord avec qui vous êtes vraiment.

C’est tout l’intérêt de cette mort de l’égo qui est au cœur de la thématique de « L’apologie de la mort », arriver à toujours discerner l’illusion dans l’expérience de ce qui est réel pour nous, et ces expériences ne doivent se vivre qu’en accord avec le ressenti que nous avons, sans lutter contre ou fuir ce ressenti. On doit en venir à discerner ce qui est existentiellement vrai de ce qui est intellectuellement vrai pour se libérer de nos propres masques et renouer avec notre identité profonde.

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